" On dit qu'il faut plonger. C'est le contraire. Il faut faire surface. Il faut se hisser dans l'appétit des…
outils, crayon, clavier, écran, papier. Il faut faire ce choix : celui de passer à la lenteur rebutante de l'acte d'écrire. C'est de l'acte lui-même, de sa lenteur rebutante, que naîtra ce quelqu'un qui n'est personne, dont l'écoute est indélogeable de l'écrit, qui ne peut être créé que par l'acte qui l'engendre. (...) Lui, ce quelqu'un qui n'est que l'écoute engendrée par l'acte d'écrire, ne s'égare pas. Il reste à l'oeuvre au sens où il poursuit son oeuvre. Il reste à l'oeuvre au sens où il appartient exclusivement comme sa matière première, matière créée par l'acte d'écrire et dont il répond. Il n'y a pas d'autre gouvernement que cette écoute. Pas d'autre accompagnement. Pas de témoin. " -- 4e de couv.
"Être est une activité de fiction, ça veut dire qu'on ne peut penser et parler, penser et transmettre, penser et…
agir que grâce à la puissance fictionnelle de la langue elle-même et qu'on invente sa vie avec la fiction de la langue. Si nous pouvions, comme espèce humaine, intégrer cette petite chose si simple, nous ne verrions plus jamais ce que nous pensons ni ce que nous croyons de la même manière. Mais l'appareil narratif qui nous sert à créer nos histoires ne veut pas de cette petite chose très simple. C'est une idée qui l'empêche de fonctionner comme il sait devoir le faire pour la survie et le maintien de l'espèce. Nous ne pouvons pas reconnaître la nécessité de croire à nos propres histoires et nous tombons toujours des nues lorsque nous entendons parler des croyances des autres. Nous nous voyons comme des êtres affranchis de toute croyance à un moment où notre foi à l'imminence d'une réponse technologique définitive à la souffrance, à la maladie et à la mort est plus forte que jamais. Chaque individu, puis chaque groupe d'individus, ne peut survivre sans les fictions qui le constituent, qui lui permettent d'entreprendre de génération en génération ses versions du monde." -- 4e de couv